Moscou, ville tentaculaire à régénérer

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Comment régénérer Moscou, "ville tentaculaire ?" Jean-Louis Cohen, architecte et historien des villes s’est prêté à l’exercice de 5 à 7 du Club ville aménagement, le 21 novembre. La huitième métropole mondiale, prévient le chercheur, est très éclatée, certes, mais pas anarchique. Elle est même la "capitale mondiale du plan". Sa formidable extension au 20e siècle (comme ses homologues occidentales), s’est faite de manière ordonnée, sous l’égide d’un pouvoir central qui décidait de tout.

 

D’un point de vue administratif et politique, peu de choses ont changé à Moscou depuis l’époque soviétique : l’immense territoire de la métropole est toujours une seule et unique municipalité, et le maire, formellement élu, reste, dans les faits, nommé par le Kremlin. Le véritable centre de décision, en ce qui concerne l’urbanisme, est le bureau de l’architecte en chef de la ville, Sergei Kuznetsov, un proche du pouvoir. Après la période de trouble de sortie du communisme, puis la crise financière de la fin des années 1990, Moscou a entrepris, au début de notre décennie, de s’inscrire dans le concert des métropoles mondialisées. En 2012, un concours international d’architectes urbanistes, sur le modèle de la consultation sur le Grand Paris de 2008, a été lancé.

Les plus grandes agences mondiales se sont penchées sur le devenir urbain de la capitale russe, qui venait tout juste de multiplier sa superficie par 2,5, en annexant un territoire adjacent au sud-ouest, pressenti depuis des décennies pour abriter le gros de l’extension urbaine. Ceci dans le but, affirme Jean-Louis Cohen, "d’une gigantesque opération spéculative d’Etat", les personnes bien placées ayant au préalable fait l’acquisition de fonciers importants à bas coût. Toutes les propositions des équipes internationales ne reprendront pas cette idée d’extension, certaines mettant plutôt en avant l’enjeu que constitue les très nombreuses emprises industrielles le long des infrastructures.

Rénovation urbaine et congestion automobile

Préfigurés par les propositions du concours d’idées ou pas, plusieurs grands projets urbains sont en cours aujourd’hui, y compris dans l’hypercentre moscovite. Les "starchitectes" du monde entier sont sur les rangs. "Pour autant, il ne s’agit pas de faire table rase de l’architecture monumentale soviétique", prévient Jean-Louis Cohen. Il s’agirait plutôt, comme ailleurs dans le monde, de rénover les quartiers d’habitat collectif construits en masse dans les années 50 à 70. Le pouvoir prévoit de démolir jusqu’à 5 000 barres et tours, soit la moitié du parc. En 2017, cinq concours ont été lancés pour des projets urbains, concernant plusieurs centaines de ces immeubles. Le pouvoir a décidé d’agir avec doigté, devant le risque de bronca posé par ce type d’opération, où des dizaines de milliers d’habitants, souvent défavorisés, sont priés d’aller vivre ailleurs, plus loin – des transports, du centre, des bassins d’emplois… Des conditions aménagées de relogement ont donc été mises en place. "Ce qui n’empêche que les habitants vivent ces opérations comme une dépossession de leur vie".

Par ailleurs, les projets de bâtiments culturels, dessinés par les grandes agences mondiales, se succèdent. Et la construction du quartier d’affaires, Moska City, "La Défense sans la dalle", d’après Jean-Louis Cohen, est toujours en cours, après avoir été ralentie par la crise de 2008. Enfin, le réseau de métro s’est largement étoffé au fil des ans – même si, de l’avis des observateurs, le problème de la congestion automobile est loin d’être résolu, car au-delà du métro, dont les stations sont très éloignées, "il n’y a pas de maillage de proximité", et parce que les Moscovites n’ont aucunement l’intention d’abandonner la voiture individuelle, symbole de la modernisation post-communiste.

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