Bernard Devert au Club Ville Aménagement : "l’acte de construire, chemin vers la solidarité"

"Aménager sans exclure", recommandait le Club Ville Aménagement, le 20 mars, en intitulé de son "5 à 7", à Paris, autour de Bernard Devert. Ou "comment faire ville à l’heure de l’accentuation des différences sociales, de celle de la contestation des inégalités de situation, notamment dans l’urbain, plus clivé que jamais malgré les injonctions visant à réussir la mixité et l’intégration sociale ?", interpellait Ariella Masboungi, Grand Prix de l’urbanisme 2016, conceptrice et animatrice de la séance. 

L’ancien promoteur devenu prêtre, fondateur d’Habitat et Humanisme en 1985 à Lyon, invite à faire en sorte "que l’acte de construire ne soit pas seulement un acte financier, mais un chemin vers la solidarité". Bernard Devert accueille des populations démunies et fragiles, dans 7 800 logements (acquis en propre ou en gestion) et 40 Ehpad, en s’appuyant sur 1 500 salariés et près de 5 000 bénévoles. Pour ce faire, il choisit des quartiers "équilibrés", voire aisés, puisqu’il est "difficile de susciter de la mixité dans des quartiers marqués par une très grande pauvreté". Surtout, il met en œuvre des accompagnements pour permettre à ces publics de se reconstruire, dans une attitude de "prendre soin" où il implique des riverains souvent réticents de prime abord. Ses pensions de famille d’une quinzaine de logements comportent "un lieu collectif que chacun est appelé à animer, afin de réveiller des talents chez des personnes qui ont une mésestime d’elles-mêmes". Une forme d’échange : "nous les aidons à trouver leur place, et elles nous aident à entrer dans une plus grande humanité".

La règle des "5 à 7" veut que le propos des invités soit mis en débat par des aménageurs. Jean Badaroux, directeur général de Territoires et Développement à Rennes, et Jean-Frébault, ancien président du conseil de développement du Grand Lyon, sont co-auteurs d’Aménager sans exclure, faire la ville incluante (avec François Ménard et Gwenaëlle d’Aboville, Club Ville Aménagement, Ed. du Moniteur, 2018). "La mixité sociale est quasiment devenue la Bible des urbanistes depuis l’article 55 de la loi SRU", dit Jean-Frébault, "mais le vivre-ensemble ne correspond souvent qu’à un discours de juxtaposition". "Comme Habitat et Humanisme, il faut aller beaucoup plus loin", affirme cet adepte de la "bienveillance" et de l’"hospitalité". Jean Badaroux tempère les enthousiasmes : "Habitat et Humanisme produit des résultats bluffants, mais cela reste une goutte d’eau dans la mer". Le saucissonnage des compétences et l’habitude du travail en silos font que "l’on a assez peu de chances de croiser les questions urbaines et les questions de solidarité".
La clé ? "Mettre dans notre métier l’exigence de traiter ces sujets", selon Jean Badaroux, pour qui "les aménageurs doivent être autre chose que des manipulateurs de procédures et des gestionnaires de bilan".

Le prochain "5 à 7" du Club Ville Aménagement recevra un autre inventeur de modes d’agir, Patrick Bouchain, le 24 octobre.

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