Séquences Bois n°149
Chaud devant !

Edito

Étonner la catastrophe

« Depuis des mois, un sentiment n’a cessé de grandir en moi, en voyant chaque jour les images tournées à Gaza. Sentiment de quelque chose à faire, que je ne fais pas et qui rend dérisoire, et même lâche, l’acte d’écrire. J’écrivais comme si je n’avais pas vu (…) que pour eux, la réalité est maintenant la mort et non plus la vie »[1] exprime Annie Erneaux.  Serait-il alors dérisoire de consacrer un numéro entier à la thermique de nos bâtiments ? Est-ce encore bien correct de (se) souhaiter notre bien-être ? Est-ce en fait acceptable, ou notre confort devient-il indécent, voir insultant ? Et n’est-il pas trop injuste de réfléchir à comment ne pas avoir trop chaud (page 41) quand d’autres n’ont même plus de toit ? Certain·es parce qu’on leur préfèrerait une Riviera, d’autres parce qu’ils se font expulser sans sourciller (page 10). Ailleurs encore parce qu’ils et elles sont les rescapé·es d’un cyclone qui leur a emporté leur couverture (page 15).

Mais Julien Beller répond à ces interrogations lorsqu’il choisit de citer, en en-tête de son site : « Rechercher le plaisir, éviter la peine, c’est le fait général du monde organique. C’est l’essence même de la vie. Sans cette recherche de l’agréable, la vie serait impossible. L’organisme se désagrègerait, la vie cesserait. »[2] Ainsi il devient possible de faire cohabiter, dans un même numéro, des questionnements d’intensités très différentes. Et d’enfin rédiger l’introduction de ces pages, qui mêlent des réalités bien éloignées les unes des autres, de la Marseille aux Etats-Unis ou de Mamoudzou à Rosny. De projets de destruction de la terre, du lien entre les peuples et leur environnement à des idées rafraichissantes de bien-être et de chaleur humaine. Mais il n’en reste pas moins que nous sommes beaucoup à partager la crainte d’un avenir plongé dans un climat hostile, qu’il soit d’ordre politique, comme météorologique.

Alors, chaud devant ! Parlons-en. Dire est de la plus haute importance pour ne pas plonger dans une rapide normalisation des vies dégradées, comme peut le soulever Jane dans son université aux États-Unis : « je réalise à quel point tout a été si vite normalisé, qu'on est tous déjà totalement blasés, et que je n’y vois plus très clair ». Ou encore Nicola Delon à Mayotte, soulignant une très rapide « acceptation de la catastrophe ». Mais ne nous méprenons pas, nommer ne banalise pas. Et cette accoutumance au désespoir[3], qui peut être progressive et assez discrète, rappelle la fable de la grenouille qui, plongée dans l’eau chaude s’échappe d’un bond, mais qui s’engourdit si on la porte progressivement à ébullition. Réagissons, prévenons. Comme l’écrivait Hugo, affrontons la puissance injuste et insultons la victoire ivre. Tenons bons dans le climat chaud qui s’annonce et tenons tête au show que certains veulent imposer. « Refusant d’être brisée par les silences les plus abjectes, la voix qui s’élève, je la souhaite puissante et déterminée ». [4]

[1] La grande librairie : Droit dans les yeux

[2] Pierre Kropotkine, La Morale anarchiste

[3] Que l’on nomme plus communément « mode dégradé »

[4] Annie Ernaux, ibid

Sommaire

01 ÉDITORIAL
Étonner la catastrophe

ACTUS

02 BRÈVES ET OUVRAGES

06 CAHIER TECHNIQUE
Piquage chez CopeauXcabanA

10 BRÈVES D’AILLEURS
Ce que le trumpisme fait à l’enseignement de l’architecture

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15 DOSSIER 
(RE)CONSTRUIRE MAYOTTE

16 ÉTAT DES LIEUX

Paroles d’architectes dans la tempête

20 ÉTAT DES LIEUX
Scier pour reconstruire : une filière d’urgence pour le bois au sol

22 PORTRAIT
Il faut re-construire Mayotte !

26 EXTRAITS
Le béton et le bambou

30 POINT DE VUE
Mayotte, « après Chido, rien n’a changé »

34 ARTISANAT
Valoriser et mêler les ressources naturelles locales

36 CARTOGRAPHIE
Initiatives locales : recenser pour mutualiser

38 APPEL À CONTRIBUTION
(Re)construire Mayotte avec les ressources locales

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41 DOSSIER
CHAUD DEVANT !

42 PRÉCURSEUR
Michel Gerber : un architecte qui a « ouvert un futur au passé »

44 MATIÈRE
Mémoires bioclimatiques de la case créole & nouveaux matériaux

46 ARTISANAT
La canne de Provence, bien plus qu’une plante invasive

48 POINT DE VUE
Comment rafraîchir les villes intelligemment ?

50 POINT DE VUE
Îlot de fraîcheur domestique ou comment se rafraîchir low-tech

52 RÉTROSPECTIVE
Rosny-sous-Bois : un vent de bon sens

56 POINT DE VUE
Polyphonie bioclimatique : l’intuition et la poésie comme méthode

58 DÉTAIL
Le bois des Pyrénées en majesté
360° Architecture, Aucamville (31)

64 Le feu aux fourneaux : cuisiner le soleil
Solari et Associés architectes, Marseille (13)

68 Une cheminée solaire pour un tourisme durable
Forall, Azay-le-Rideau (37)

72 Un abri nommé l’usine
OH!SOM architectes, Cavalaire-sur-Mer (83)

76 Le lycée des métiers du bâtiments fait l’école buissonnière
Encore Heureux + Co-Architectes, Longoni, Koungou (97600)

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83 GUIDE
Un seul soleil, mille et une manières de s’en protéger

88 POUR ALLER + LOIN

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